Défricher les genres, éduquer le club : rencontre avec la DJ française engagée Bambi

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A l'occasion de sa résidence au Badaboum ce vendredi 3 mai, on a rencontré la DJ française en pleine ascension Bambi. Résidente du Macadam, de Rinse France et du Badaboum, Célia s'illustre à l'échelle nationale avec ses projets Consentis, Réinventer la Nuit et Au-delà du Club, pour visibiliser la scène féminine et queer et rendre les nuits plus safe et inclusives. 

Bambi rime aujourd’hui avec talent confirmée sur la scène française, et tu t’es spécialisée dans l’hybridation des styles et des genres. Qu’est-ce qui te plaît là dedans ? Comment définirais-tu ton style à quelqu’un qui ne te connaît pas encore ? 

Je dirais que j’ai un style plutôt organique, progressif, hypnotique, contrasté… Ça évolue avec le temps, mais mes influences restent la trance, la deep techno, le dub, l’ambient et tout ce qui en découle. J’aime bien ce terme d’hybridation des genres - sans faire de grands écarts non plus - je trouve ça intéressant d’aller chercher du lien et de la cohérence entre différentes influences, différentes époques ou différents tempos. Ça permet de raconter des histoires assez uniques je trouve. Surtout sur de longs sets, j’aime bien avoir plusieurs cordes à mon arc et proposer différentes choses, naviguer à travers différents mood. 

Tu es très active au-delà de la musique pour une vision plus inclusive et plus safe dans la scène électronique, notamment avec tes projets Consentis et Au-delà du club. C’est important pour toi d’être porte-parole de ces combats en tant qu’artiste et actrice de la scène ? 

Depuis que je joue, je me suis toute suite entourée de femmes et de minorités de genre. Ça a été assez instinctif en fait, j’ai toute suite senti que c’était là où je me sentais le plus en confiance, en sécurité. Je crois donc que les réflexions autour de l’inclusivité ont toujours été là, et le militantisme est venu au fur et à mesure de mes expériences et de mes rencontres. Et de l’urgence aussi! L’urgence d’assurer de meilleures conditions de travail et de fête aux personnes minorisées. Ces luttes sont essentielles pour moi, car au final, elles me concernent - c’est aussi pour moi que je fais ça. Pour pallier aux sentiments d’isolement, de manque de légitimité ou d’insécurité que l’on peut souvent ressentir en tant que DJ minorisée. Ces réflexions collectives sont donc essentielles à ma santé mentale et à mon épanouissement dans ce métier. C’est d’ailleurs pour ça que l’on a pensé ces cercles de parole avec Réinventer la nuit - on a voulu proposer des espaces de partage entre femmes et minorités de genre, de soutien et d’entraide qui n’existaient que de manière informelle avant. 

Résidente du Macadam, Rinse France, Badaboum… En somme des clubs et projets toujours pointus, c’est une volonté de peaufiner ta DA ? 

J’ai la chance d’évoluer au sein de lieux et plateformes qui partagent ce goût pour l'exigence et la curiosité. C’est pour moi de super terrains de jeu et d’expérimentation! C’est notamment ces résidences qui me permettent d’affiner mon style de mix, d’expérimenter et tester de nouvelles choses. Aussi bien au Macadam, où j’ai l’occasion de jouer sur de long slots, entre 3, 4, voire 7H de set. Les conditions pour jouer sont assez incroyables, tant la musique est mise au centre - c’est d’ailleurs probablement là que je m’amuse le plus en tant que DJ. Aussi bien sur Rinse, où j’ai l’occasion de travailler une DA visuelle, inviter des artistes, jouer d’autres choses que ce que je joue en club… Et depuis peu au Badaboum, où j’ai l’occasion de développer mon univers en curatant mes propres soirées. 

Tu viens de signer une résidence au Badaboum, comment construis-tu les plateaux / choix de tes invité.es ? Sur celle-ci tu fais notamment la part belle aux lives. 

Avec cette résidence, j’ai vraiment envie de proposer une DA forte, engagée. L’idée est de mettre la musique au centre, avec un curseur placé sous la trance, le dub & la deep techno, tout en proposant des pratiques festives plus safe, conscientes et inclusives. Sur cette première nuit, toute la partie concert est notamment dédiée à l’ambient & au downtempo, avec la DJ Jacky Jeane et les live de Jonnnah & Salma Rosa, le duo ukrainien turbinaria et la productrice anglaise Avsluta. C’était intentionnel d’accorder toute une partie du line-up à des BPM lent - j’ai rarement l’occasion d’écouter du downtempo en salle, c’est pourtant des musiques qui méritent d’être mises en avant. Ça permet aussi de construire des warmups progressifs vers des esthétiques plus club. Je suis très heureuse d’inviter Pjenné & Nelly sur la nuit, ce sont deux DJ très techniques qui m’ont beaucoup inspirées dernièrement. En général, les choix des invité•es s’est fait de manière assez organique - Ben & Noé m’ont suivie sur quasi toutes mes idées, ils m’ont fait confiance et m’ont vraiment laissé carte blanche. Mon intention était surtout de mettre en avant des femmes et des minorités de genre dans les line-ups, et de féminiser / queeriser la crowd du Badaboum. J’ai donc vraiment hâte de voir comment ça va se manifester. 

Bambi prendra le contrôle du Badaboum ce vendredi 3 mai pour la première édition de sa résidence.