Qui est Amorce, le collectif bordelais 100% féminin prêt à conquérir la scène française

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Jeune collectif bordelais 100% féminin, Amorce est prêt.e à se révéler sur le devant de la scène française. Après une formation intensive avec Move Ur Gambettes à l’IBOAT, ses 6 DJs membres veulent mettre en lumière la création féminine et défendre leurs esthétiques respectives dans les clubs et festivals. Rencontre.  

D’où vient la création de votre collectif de 6 membres ?

Shani (Shanixxx) : Notre rencontre a eu lieu en avril dernier lors de notre premier workshop à l’I.Boat dans le cadre d’une formation de perfectionnement et de professionnalisation au Djing proposé par ce club et en collaboration avec Move Ur Gambettes.

Flora (Flouf) : Dès le début on s’est toutes super bien entendues, il y a toujours eu de la bienveillance et de l’entraide entre nous. En s’alliant on a pu échanger nos carnets de contacts, ce qui nous a permis de pouvoir jouer dans différents lieux, de radio, avec d’autres collectifs, etc. La création d’Amorce nous a aidé à nous donner de la force entre nous et de la légitimité auprès des autres.

Vous êtes l’exemple parfait d’artistes féminines qui se sont lancées. Comment voyez-vous la chose en France et de manière générale ? 

Shani (Shanixxx) : De manière générale ce n’est pas évident de se lancer, d’avoir accès à du matériel de qualité, encore moins dans un club. Ce n’est pas évident pour tout le monde non plus de se créer un réseau d’amis qui peuvent donner des conseils et être bienveillant. Ça peut-être assez difficile de franchir le pas et de se lancer, encore plus lorsque l’on est représenté en minorité sur les scènes en France. Cependant, je pense que les initiatives comme notre formation se font de plus en plus nombreuses et on sent que cela se développe. Il n’empêche qu’on se sent assez privilégiées de pouvoir se soutenir les unes les autres et évoluer ensemble. 

Flora (Flouf) : Le constat est toujours le même : trop de line up masculins. Mais j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus d’initiatives féminines pour lutter contre ça et c’est trop cool ! Ce qui est sûr, c’est que ce n’est qu’en m’entourant de meufs que j’ai réussi à me développer. C’est dommage mais on a encore besoin du 100% meuf. On est dans la transition où on doit déconstruire et laisser derrière nous certaines pensées et comportements. Ça prend du temps mais ça finira par changer, j’en suis convaincue.

Crédit photo © Chuck Joris

Pia (piaconcept) : Je pense que pour vraiment créer de la parité, il est nécessaire de se focaliser pour créer des espaces qui donnent confiance aux meufs. Je peux comprendre que certains mecs se sentent parfois rejetés quand ils veulent profiter d’évènements qui sont non-mixtes et qu’ils veulent soutenir la cause, mais il est indéniable que les événements en mixité ne mettent pas constamment à l’aise les meufs et font perdurer cette charge mentale.

Jouer sur les deux tableaux est selon moi primordial :  créer des espaces safes et de confiance pour que tout le monde arrive à kiffer de manière simple, mais ne pas délaisser les événements en mixité, pour proposer nos performances à tous.tes. En fait, imaginer une fête équitable, c’est aussi libérer le public pour pouvoir encore mieux kiffer le son et le monde de la nuit. 

Les collectifs 100% féminins sont encore rares en France, quels sont vos objectifs de développement ? 

Shani (Shanixxx) : On aimerait développer la scène bordelaise tout d’abord pour en faire une scène plus inclusive, plus paritaire et bienveillante. On veut servir d’exemple si besoin pour encourager à la pratique. On a également très envie de développer notre collectif au-delà de la scène locale et continuer à se tirer vers le haut mutuellement. L’idée est aussi de promouvoir l’esprit de solidarité et de sororité. On est assez ouverte sur l’idée d’intégrer différentes pratiques artistiques liées au milieu de la nuit, on a envie de pourquoi par curate des soirées et intégrer cela à notre univers artistique.

Pia (piaconcept) : On vit dans une époque où l’on découvre de la musique beaucoup plus facilement qu’avant, on peut sculpter notre oreille très rapidement. Ce qu’il manque selon moi, c’est des événements qui peuvent amener autant de styles que ta playlist Spotify en aléatoire tout en te surprenant, te tenant en haleine et en captivant ton attention quand même. C’est un défi, mais j’adore l’idée que même pour nous en tant que DJ, si on veut être sincères avec le public, il faut oser trouver l’angle pour amener cette sincérité. Apprendre à décloisonner les styles c’est ce qui est assez représentatif de l’identité d’Amorce. Et c’est ce qu’on adore faire. 

Crédit photo © Kevin Picot

Flora (Flouf) : Pouvoir rencontrer, échanger et jouer avec les autres collectifs féminins de France. Ouvrir le collectif à d’autres pratiques artistiques en donnant la possibilité à des artistes féminines de développer leur art. Se développer autant collectivement qu’individuellement.

À 6, votre panel de styles musicaux est très large. Qu’explorez-vous, comment vous vous répartissez ? 

Shani (Shanixxx) : Je joue de la techno, très rave avec des influences 90’s/2000 ce qui inclut l’eurodance notamment. C’est donc un assez gros challenge pour mes camarades lorsque l’on doit faire des b2b car il faut aussi réussir à mélanger nos styles avec cohérence. Ce qui est cool c’est que l’on a toutes cette bonne énergie et cette envie de faire danser notre public. C’est donc avec plaisir que l’on relève le défi du b2b. Sinon c’est vrai que chacune à aussi son style qui se prête plus ou moins à certains créneaux de la soirée quand on fait des all night long. Par exemple, je joue entre 140 et 155 bpm, ce qui permet de répartir assez facilement dans ce cas là les créneaux, même si l’idée s’est aussi de s’adapter quand il faut!

Pia (piaconcept) : J’aime avoir un panel de patterns rythmiques divers. J’ai besoin d’avoir des drums qui groove et beaucoup de bpm différents et j’ai absolument pas envie de me ranger dans un style, j’ai trop besoin de mélanger pour kiffer et amener cette surprise permanente. Avec les filles, c’est ça que je kiffe, nous n’écoutons et ne jouons pas du tout la même chose, et on a un regard bienveillant et intéressé sur la culture musicale de chacune. 

Flora (Flouf) : J’adore danser, je suis curieuse et je pense que je passerais ma vie à chercher ce qui me fait vibrer. Surtout que comme tout, la musique évolue et il y a sans cesse des nouveautés à découvrir. Je passe par plein de phases complétement différentes : techno, hardtechno, hardtrance, ambiant, downtempo, trance, expérimental, ghetto, breakbeat, bassmusic, .. Mais il y a souvent des ponts intéressants entre les uns et les autres, j’aime bien tout mélanger. En ce moment, je m’intéresse à l’introspection et la cinématographie, je kiff autant voyager que taper du pied sévère. Du coup avec les filles je m’adapte beaucoup en fonction de leurs envies du moment et des miennes. On essaie quand même de varier les line up et les b2b, toujours en réfléchissant à rester cohérentes. C’est toujours cool de pouvoir expérimenter. Nos différences sont super enrichissantes.

Sarah (Saari) : Je rejoins les filles sur le fait qu’on arrive bien à se rejoindre lorsqu’on mixe ensemble même si on a toutes des univers différents, et c’est cette éclectisme qui est cool ! Pour ma part j’ai un univers plutôt large car j’écoute beaucoup de musique et j’ai aussi ma deuxième famille SUPER Daronne avec qui je joue encore des choses différentes. Je peux naviguer sur des doux sons allant de la dream house à l’afro (amapiano, kwaito) et plus tard dans la soirée aller sur des sons breaks, uk alliés à des rythmes bien percussifs, souvent dérivés du reggaeton. Si contente de l’explosion de cette scène là. Je pensais pas qu’un jour le reggaeton (au sens large) aurait sa place dans le milieu de la musique électronique. 

Crédit photo © Kevin Picot

Maylis (Bouquet Final) : En ce moment, j’adore la k-waito, style d’afro-pop des années 90, et j’adore me replonger dans le RNB à l’ancienne. Mais ce qui me plaît vraiment à côté, c’est l’expérimentation et le renouveau des genres. Par exemple, en ce moment, je trouve très intéressante la scène hyper-pop et ambient. 

Sophia (Victorine Prudence) : Je suis plutôt dans un univers microhouse. Je dig principalement de la minimal, de la house Music et de la tribal house (crush pour les percussions). Puis, vous savez rien n’est figé et c’est trop intéressant de voir l’étendu des styles, de voir vers lesquels on tend, consciemment ou non. De part nos humeurs, nos envies, nos influences du moment, nos fréquentations. On s’y perd facilement, on se surprend parfois et surtout, on se découvre un peu plus à chaque session, chaque set.. 

Les clubs/festivals/scènes que vous rêveriez de faire ? 

Shani (Shanixxx) : Personnellement mon rêve c’est de faire une “Teenage Dreams” avec le collectif Heartbroken au Watergate à Berlin. Bon pour le moment, je rêve surtout de au moins pouvoir aller y assister une fois. 

Flora (Flouf) : Tout simplement dans un lieu asso alternatif où tous les arts se mélangent

Sarah (Saari) : Pour l’ambiance festival je dirais le Dekmantel Selectors ou un des autres de cette belle famille (Dekmantel et Lente Kabinet). Je suis aussi depuis des années le projet de Craig ouar, Domply à Rio (Brésil) et l’ambiance de ces teufs ont l’air si chouette! Et pour finir je dirais un bon gros Perreo Supremo à la Machine, tellement ouf ce que Anaco a réussi à mettre en place!! 

Pia (piaconcept) : J’aimerai faire un tour à Chicago car beaucoup de mes influences en tant que producer et musicienne viennent de là-bas. On leur doit tellement ! 

Maylis (Bouquet Final) : Je suis très attirée par l’esprit festival où l’on peut échanger avec d’autres artistes et surtout quand les disciplines sont mélangées. Pour moi, mon rêve serait de participer au festival Horst en Belgique, qui célèbre à la fois les arts, l’architecture et la musique.

Sophia (Victorine Prudence) : Il y a tellement de lieux, de clubs, de scènes et de festivals. Pour choisir un club je dirais le Rex Club à Paris. Est-ce qu’on rêve pas tous d’y mixer au moins une fois dans vie ? Faire des dates à l’étranger ce serait incroyable. Pour l’ambiance et la singularité de chacun j’aimerai un jour avoir l’occasion de jouer en festival. 

Collectivement : Au Macadam à Nantes! Sinon pour le délire, une bonne fête de village où on peut mettre le bordel! (rires) Type les Sardinades de Lüe, en plein cœur des Landes, là où Maylis habite.

Vous pouvez suivre le collectif Amorce sur Soundcloud et Instagram