Les jeux vidéo et la musique électronique : une histoire de connexion indissociable

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Depuis leurs débuts, les jeux vidéo et la musique électronique partagent une histoire commune, faite de technologies, de créativité et d'innovation. Ce mariage de deux mondes a donné naissance à des œuvres mémorables qui continuent de marquer les esprits et d'influencer la culture contemporaine. Explorons comment ces deux univers se sont entrelacés et ont évolué ensemble, du pixel à la piste de danse.

Les premières expériences sonores

En 1978, "Space Invader" devient le premier jeu vidéo doté d’une bande-son continue. Cette simple boucle de quatre notes descendantes, accélérant à mesure que les aliens envahissent l'écran, établit les bases de la musique de jeux vidéo. À cette époque, les limitations technologiques des générateurs de sons programmables (ou puces sonores) obligent les compositeurs à se montrer inventifs avec des moyens réduits.

Ces premières créations musicales, bien que minimalistes, ouvrent la voie à une nouvelle forme d'expression artistique. Les sons électroniques, autrefois perçus comme rudimentaires, commencent à trouver une place dans la culture populaire, notamment grâce à des instruments comme le Minimoog, dont le son inimitable a révolutionné la musique populaire dès les années 1970.

Le Japon et les pionniers de la synthpop

Le Japon joue un rôle crucial dans l'évolution de la musique de jeux vidéo. Le groupe Yellow Magic Orchestra (YMO), pionnier de la synthpop, incorpore des samples de jeux vidéo dans leurs compositions dès 1978. Leur morceau "Computer Game" utilise des sons de "Space Invader", établissant un lien direct entre la musique électronique et les jeux vidéo.

Haruomi Hosono, membre de YMO, sort en 1984 l'album "Video Game Music", qui reprend des thèmes de jeux comme Pac-Man et Galaga. L'influence de YMO traverse les frontières, inspirant des artistes comme Afrika Bambaataa et Electrifying Mojo, qui popularisent ces sonorités dans leurs émissions radio et contribuent à la naissance des mouvements electro et techno.

Soichi Terada fait ses premiers pas dans l’univers des jeux vidéo à cette époque et se fait surtout connaitre pour son travail sur la série de jeux "Ape Escape" (ou "Saru Get You" au Japon), développée par Sony Computer Entertainment.

La série "Ape Escape", lancée en 1999 sur PlayStation, devient rapidement célèbre pour son gameplay innovant et ses graphismes colorés. Cependant, une grande partie de son charme réside dans sa bande-son exceptionnelle, composée par Soichi Terada. La bande sonore de "Ape Escape" se caractérise par des rythmes électroniques entraînants, des mélodies accrocheuses et une utilisation créative de synthétiseurs. Ce choix de musique contrastait avec les bandes sonores plus orchestrales ou basées sur le rock de nombreux autres jeux de l'époque et contribue grandement à l'atmosphère générale du jeu, renforçant son côté ludique, énergique et légèrement absurde. Les compositions sont dynamiques et s'adaptent bien aux diverses situations de gameplay, que ce soit pour la chasse aux singes ou l'exploration des niveaux.

L’ère des home studios et la demoscene

Les années 1980 voient l'émergence des home studios, rendus possibles par la commercialisation de synthétiseurs compacts et abordables. En parallèle, les PC et consoles de jeu se démocratisent, donnant naissance à la demoscene au début des années 1990. 

L'ère des home studios émerge avec l'avènement de la technologie numérique et des ordinateurs personnels dans les années 1980 et 1990. Cette période marque un tournant dans la manière dont la musique est créée, produite et enregistrée. L'accessibilité accrue des ordinateurs personnels, ainsi que l'apparition de logiciels de production musicale comme Cubase, Pro Tools, et plus tard Ableton Live et FL Studio, permettent à de nombreux musiciens de produire de la musique chez eux. Les interfaces audio, microphones, synthétiseurs et autres équipements d'enregistrement deviennent plus abordables et de meilleure qualité, rendant la production maison comparable à celle des studios professionnels. Avec l'expansion d'Internet, il est devenu plus facile pour les artistes de partager leur musique, collaborer avec d'autres et atteindre un public mondial sans l'intervention de maisons de disques traditionnelles.

Un home studio dans les années 90

Par une production musicale devenue accessible à un plus grand nombre de personnes, indépendamment de leur situation géographique ou de leurs ressources financières on observe une démocratisation conduisant à une plus grande diversité de styles musicaux, car les artistes pouvaient expérimenter sans les contraintes commerciales imposées par les labels. En conséquence, les maisons de disques ont dû s'adapter à cette nouvelle réalité, en offrant des services complémentaires (comme la promotion et la distribution) plutôt que de contrôler entièrement le processus de production.

Les premières consoles disposaient de très peu de mémoire, tant en RAM (composant qui permet à votre ordinateur de stocker des données à court terme pour un accès plus rapide) qu'en stockage. La musique numérique nécessitant de l'espace pour être stockée, il était difficile de réserver suffisamment de mémoire pour de la musique tout en permettant le jeu de fonctionner correctement. Les puces sonores des premières consoles étaient très basiques et ne pouvaient produire que des sons simples. Elles utilisaient souvent des synthèses audio limitées à quelques canaux sonores et des formes d'onde simples (carrée, triangle, etc.).

La demoscene est un mouvement artistique et culturel qui a émergé dans les années 1980, parallèlement à l'essor des ordinateurs personnels. Elle est née principalement en Europe, dans des pays comme la Finlande, l'Allemagne et les Pays-Bas. Les "démos" sont des démonstrations audiovisuelles créées par des programmeurs, des graphistes et des musiciens, souvent pour montrer leurs compétences techniques et artistiques. Elles combinent des graphismes générés par ordinateur, de la musique et des effets visuels complexes. Les parties de démos (ou "demos parties") sont des événements où les créateurs se rassemblent pour présenter leurs travaux et concourir dans différentes catégories.

Demo de Jester

Les demo artists comme Neurodancer et Jester parviennent à créer des morceaux complexes et riches en ne s’appuyant que sur des puces sonores limitées, produisant des tracks techno, italo disco ou trance indifférenciables de ceux joués en club. Ce mouvement underground influence durablement la scène électronique.

La demoscene a eu une influence significative sur l'industrie du jeu vidéo, en particulier en matière de graphismes et de design sonore. Elle a contribué à la reconnaissance de l'art numérique comme forme légitime de création artistique.

Le courant chiptune et la nostalgie réinventée

Le chiptune est considéré à part entière comme un genre musical qui utilise des sons synthétiques et fait référence à l'utilisation des puces audio (chip) intégrées dans les appareils électroniques tels que les Commodore 64, Nintendo Entertainment System (NES), Game Boy, et autres ordinateurs et consoles de cette époque. Le chiptune se distingue par des sons électroniques simples et aigus, souvent décrits de manière grossière comme "bip-bip" ou "blip-blop". Ces sons sont créés en manipulant les ondes sonores (comme les ondes carrées, les ondes triangulaires, etc.) directement au niveau matériel, sans utiliser d'instruments acoustiques ou de samples complexes. 

Exemple de Set Up Chiptune

Les compositeurs de chiptune utilisent souvent des trackers, qui sont des logiciels de composition musicale permettant de programmer la musique note par note. Des logiciels comme LSDJ (Little Sound DJ) pour Game Boy et Famitracker pour NES sont populaires parmi les artistes chiptune. Bien que le chiptune soit enraciné dans la nostalgie des jeux vidéo rétro, il a influencé de nombreux genres de musique électronique moderne.

Des groupes comme Crystal Castles utilisent les puces de consoles Atari pour créer des sons à la croisée du punk, de la pop et de l’électro connu pour son style unique mélangeant musique électronique et éléments de chiptune, le groupe a intégré ces sons caractéristiques de jeux vidéo 8-bit dans plusieurs de leurs morceaux. Le chiptune est utilisé pour créer une atmosphère nostalgique mais moderne, souvent accompagnée de rythmes intenses et de synthétiseurs abrasifs. Voici quelques morceaux emblématiques de Crystal Castles où l'influence du chiptune est particulièrement notable :

Un morceau comme "Air War" utilise des sons de synthétiseur rappelant les premiers jeux vidéo, créant une texture sonore à la fois nostalgique et futuriste alors qu’"Alice Practice" souvent cité comme un exemple phare de leur style combine des voix hautement traitées avec des sons intenses de chiptune, illustrant parfaitement la capacité du groupe à mélanger l'agressivité avec la mélodie. Long et hypnotique, "Magic Spells" montre la capacité de Crystal Castles à transformer des sons chiptune en une expérience immersive, avec des boucles répétitives et des montées progressives.

Alice Glass et Ethan Kath de Crystal Castles

Crystal Castles est reconnu pour avoir popularisé l'usage du chiptune dans un contexte plus large que le simple niche de musique électronique, l'intégrant dans des productions musicales qui ont atteint un public global. Leur approche créative a ouvert la voie à ce type d’expérimentations aidant le chiptune pouvait transcender ses racines de jeu vidéo pour devenir une composante centrale de la musique moderne.

En France, le groupe TTC mélange chiptune et hip-hop. L'album "Bâtards Sensibles" de TTC est un exemple où l'on peut sentir l'influence du chiptune. Les morceaux de cet album intègrent des éléments de son électroniques qui rappellent les jeux vidéo classiques. Cette fusion entre le hip-hop et le chiptune a permis à TTC non seulement de créer un son distinct, mais aussi de toucher un public plus large, intéressé par une convergence entre musique et technologie numérique.

Le producteur britannique Burial est aussi réputé pour intégrer des sons ambiants, des bruits de fond, des extraits de dialogues de films ou de transmissions radio dans ses créations. Connu pour son approche unique et atmosphérique de la musique électronique, notamment du genre dubstep, a une manière particulière d'incorporer des éléments de diverses sources culturelles, y compris des jeux vidéo, dans ses compositions. Dans une majorité de ces morceaux on peut identifier des samples de la saga Metal Gear Solid de Hideo Kojima.

L'évolution de la musique pour jeux vidéo est fascinante. Partis des boucles minimalistes de "Space Invaders", nous sommes passés à des compositions complexes et dynamiques comme dans la série "Ape Escape". Cette transformation illustre comment certaines contraintes techniques initiales ont stimulé une créativité sans précédent. Aujourd'hui, l'influence des jeux vidéo s'étend bien au-delà de leur écran, enrichissant et diversifiant la musique moderne. Groupes et producteurs, en témoignent, cette histoire continue d'évoluer et nous invite à nous demander quelles nouvelles formes d'expression musicale émergent à l'intersection des nouvelles techniques et de l'art dans les années à venir.

Voici une liste de bandes son de jeux vidéo qui sont devenues iconiques dans le genre de la musique électronique :

1. "Hotline Miami" (2012)

   “Miami Disco” de Perturbator

Description : Une bande son synthwave intense et pulsante qui capture parfaitement l'atmosphère rétro et violente du jeu.

2. "Furi" (2016)

  “You’re Mine” de Carpenter Brut

Description : Une bande son électro-synthwave intense qui accompagne les combats de boss rapides et frénétiques du jeu. 

3. "Wipeout" Series (1995-2017)

   “Firestarter (Instrumental)” The Prodigy

Description : Une série de jeux de course futuristes avec une bande son électronique énergique et emblématique.

Victor Frances